La Force intérimaire des Nations Unies au Liban - La FINUL
par le général Noël Chazarain, académicien, séance du 4 novembre 2019
C’est à une intéressante conférence à laquelle a assisté le public le 4 novembre. Elle était prononcée par le général Noël Chazarain, membre titulaire, sur le thème « La Force Intérimaire des Nations-Unies au Liban, la FINUL ».
Celle-ci a été créée en mars 1978 à la suite de l’invasion du Sud-Liban par Israël répondant aux actions de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP). Seules les premières années de son existence ont été évoquées (1978-1983). Depuis 1967, le Liban était un pays entraîné dans une spirale de violences. En 1969, avait été accordé aux Palestiniens le droit de lancer des opérations contre Israël à partir du territoire libanais. En 1970, des organisations palestiniennes s’étant implantées au Liban, les représailles se font de plus en plus violentes. En 1975, les tensions dégénèrent en guerre ouverte et, en mars 1978, des attentats, revendiqués par l’OLP, entraînent Israël à pénétrer au Liban. Le gouvernement libanais demande au Conseil de Sécurité de mettre en place la FINUL qui a pour but de confirmer le retrait d’Israël, de rétablir la paix et la sécurité internationales, etc. Le but est d’« assurer un intérim entre une autorité libanaise passée et une autorité à remettre en place », et ce sur toute la partie au sud du Litani (fleuve qui constitue une frontière naturelle) jusqu’aux pentes du mont Hermon, les deux régions étant très fertiles. Ici, les Libanais sont d’origine arabe et la religion principale est l’islam chiite ; les jeunes n’ont pratiquement connu que la guerre et le port des armes leur est coutumier.
Au total, la FINUL – qui s’installe dans un territoire moins important que prévu – se heurtera, à l’ouest, à la zone palestinienne "poche de Tyr" et, au sud, à la zone de la "Force de facto appelée Enclave". La frontière elle-même est marquée par un barrage de barbelés et de minesEn 1982, un bataillon – le 8ème RPIMa de Castres – est envoyé au Liban et la France obtient le commandement en second occupé, d’octobre 1982 à octobre 1983, par le général Chazarain. D’autres bataillons sont également présents ainsi que des renforts médicaux, un peloton d’hélicoptères international, etc. La FINUL est forte d’environ 6 000 militaires, auxquels s’ajoutent des civils de nationalités diverses dont des Libanais. Elle est commandée par un général de corps d’armée irlandais ayant sous ses ordres un commandement et des conseillers de direction. Enfin elle dispose de deux détachements (l’un près de Tyr, l’autre dans Beyrouth ouest). La durée de séjour des soldats est de six mois, sauf pour le PC et l’État major (neuf mois et plus).Le problème majeur vient des faiblesses de la FINUL, inhérentes à l’organisation de l’ONU, comme le manque de moyens matériels et juridiques de livrer une bataille : « Il s’agit, souligne le général Chazarain, d’une force du maintien de la paix et non d’une force qui impose la paix ».
Ainsi, de 1978 à 1982, la FINUL contrôle sa zone pour éviter autant que possible les infiltrations de l’OLP. Événement tragique le 4 septembre 1981 : l’ambassadeur Delamare est assassiné ! En 1982, un conseiller et son épouse sont également tués et un attentat à la voiture piégée est commis contre l’ambassade faisant 14 morts. La France est durement touchée.Alors, les forces de l’OLP intensifient leurs tirs d’artillerie, utilisant des roquettes. En juin 1982, est déclenchée l’opération "Paix pour la Galilée". L’armée israélienne Tsahal envahit le Liban. La FINUL et en particulier les Français, respectant les procédures, n’a pas ouvert le feu, craignant des dégâts considérables dans leurs rangs. Le 12 juin, Tsahal atteint Beyrouth ; la poche de Tyr est conquise et les milices armées de l’OLP sont soit détruites, soit repoussées. Le 14 juin, le mandat de la FINUL est prolongé de deux mois renouvelable et le général Chazarain part pour Naqoura, son bureau se trouvant au même endroit que celui du commandant de la Force. Il entretient de bons rapports avec le général Callaghan, rencontre plusieurs fois le nouvel ambassadeur Paul-Marc Henry, se présente à Tel-Aviv à l’ambassadeur français. Ses missions : veiller à la bonne application des procédures, faire en sorte que l’emprise israélienne ne soit pas trop forte, avoir des relations avec l’armée libanaise. En fait, la situation n’évoluera pas parce qu’il « ne sera pas possible de renforcer les forces libanaises dans la zone et de leur donner une mission ». D’autre part, la composition de la force subira plusieurs changements et le principal souci sera d’éviter que la population civile soit trop inquiétée. Les incidents se perpétuent : les miliciens de l’Enclave provoquent les soldats des bataillons irlandais et hollandais, les convois sont arrêtés par les Israéliens, des agents de sécurité israéliens refusent de montrer leurs laissez-passer. Le général Chazarain continue cependant à rencontrer son homologue israélien.En 1983, la guerre civile reprend dans la région sud de Beyrouth et dans le Chouf contre les Chrétiens et les Druzes. Le général Chazarain multiplie les rencontres avec différents interlocuteurs civils et militaires, reçoit la visite du ministre de la défense Charles Hernu. Le 17 octobre, après sa visite au commandant de la FMSB à Beyrouth et au commandant du porte-avions Clemenceau, il quitte le Liban.
Aujourd’hui, la FINUL a vu son commandement être renouvelé. Les Israéliens se sont progressivement retirés du Liban, y compris de l’Enclave. À partir de 2000, le gouvernement libanais peut reprendre le contrôle du sud Liban. La FINUL est une force de 11 000 hommes ; elle occupe toute la partie initialement prévue par les mandats de 1978, renouvelés en 2017. La France fournit environ 500 hommes qui arment un bataillon qui coopère avec les forces libanaises. Depuis dix ans, la région est globalement stable du fait que le Hezbollah a été occupé en Syrie.Et le général Chazarain de conclure : « La FINUL a parfaitement rempli la mission qui lui avait été donnée par les résolutions 425 et 426. Les forces israéliennes se sont retirées du Liban. La paix et la sécurité internationales sont à peu près rétablies. Le gouvernement libanais assure son autorité sur la zone. Le Prix Nobel de la Paix a été décerné, en 1988 à Oslo, à l’ensemble des forces et des groupes d’observateurs des Nations-Unies… ».
En guise de conclusion à cette brillante conférence, accompagné d’un diaporama très pédagogique illustrant fort bien le propos, le président Jean-Luc Nespoulous notait :
« Merci beaucoup, cher confrère, pour nous avoir narré cette "tranche de vie". Vous avez su mettre en contexte la complexité de la situation au Liban et la feuille de route de la FINUL. Au-delà de l’analyse du problème auquel se trouvait confrontée cette Force, nous avons bien senti tout à la fois le chef en responsabilité mais aussi l’homme au plus près de ses troupes. Le détail de cette analyse ne vous pas empêché, à travers votre voix, de capter une certaine émotion et parfois même une pointe d’humour, en dépit de la gravité et de la complexité du cadre d’opération dans lequel vous vous trouviez plongé. »
Le Président Nespoulous de poser alors la question suivante : Est-ce que le cahier des charges de la FINUL a été quelque peu modifié au fil des années, sachant que cette Force est encore opérationnelle, quarante et un an après sa création ? Et le Général Chazarain de répondre catégoriquement par la négative !!!