La place nationale Montauban   

 "Habiter la ville, habiter la terre"

par Mariano Maros, membre titulaire

Séance du 19 mars 2018

 

     "Habiter la ville, habiter la terre" : Un thème culturel qui, en 2018, a été choisi par la municipalité de Montauban. Un thème qui incite au partage, au vivre-ensemble, en harmonie avec une planète préservée, un des grands enjeux de notre temps. Un thème qui nous concerne tous.

    Depuis Ur et Babylone, la question de la Ville se tient au centre de notre civilisation. Aujourd’hui, au temps de la mondialisation, la question urbaine reste ouverte. Il était donc naturel que l’Académie de Montauban apporte sa contribution à ce thème. D’où la conférence de Mariano Marcos, membre titulaire, donnée à l’Ancien Collège, sur le thème La forme urbaine à Montauban, traitant le sujet sous de multiples facettes : la création de Montauban et sa participation à la naissance de l’urbanité moderne ; l’évolution de la ville depuis sa création, son expansion récente soulevant les problèmes de l’étalement, densité et services, coûts sociaux, économiques et écologiques

    Montauban a été créée en 1144 de par la volonté du comte de Toulouse, Alphonse-Jourdain. Son but : regrouper l’habitat, le rendre plus solide, plus efficace et plus pérenne. Montauban, ville nouvelle, possède désormais un plan cohérent au tracé orthogonal régulier élaboré à partir d’une place centrale, espace public large et ouvert, qui règle l’ordre de la ville et en représente l’essence, c’est-à-dire la fonction d’échange culturel et commercial qui règne sur la cité. Ces deux nouveautés, la place et sa fonction, seront largement reprises. La place centrale est une forme urbaine apparaissant à Montauban et devenue courante, depuis, dans notre culture. « En fondant Montauban, précise le conférencier, le comte de Toulouse arrive à fédérer des hommes et des moyens économiques et politiques pour créer une ville ».

 

 

    La ville est un ensemble vivant, qui combine harmonieusement et de façon savante les lieux urbains et leur hiérarchie dans l’espace urbain défini par le réseau des voies, le parcellaire et la forme de l’habitat, les bâtiments publics, les limites. C’est ainsi que l’architecture de la ville devient un langage, système de signe, compris de tous.

    Mariano Marcos présente ensuite l’évolution de la ville depuis le Moyen Âge : la cité, positionnée sur une hauteur, contenue dans ses remparts, gagne du terrain à partir de sa position première ; le pont est construit, de nouveaux quartiers naissent, Villebourbon, Villenouvelle, des moulins et des manufactures sont implantés au bord du ruisseau de Lagarrigue. Le plan de ville s’amplifie jusqu’à contenir à la fin de l’Ancien Régime 28.000 habitants, contre 3.000 au moment de sa fondation. Au XIXe siècle, Montauban perd sensiblement de sa population et de son dynamisme industriel. Au début du XXe siècle le plan s’étend encore avec le développement de Villebourbon et du quartier de Sapiac dans le cadre d’un tracé qui quadrille la plaine en y incluant un stade et un nouveau pont pour atteindre une surface bâtie de 400 hectares pour environ 40.000 habitants. À partir des années 50, Montauban connaît un étalement spectaculaire avec la généralisation des banlieues. Aujourd’hui la superficie construite avoisine les 5 000 hectares, soit dix fois plus en 70 ans pour seulement 61.000 habitants ! Des banlieues apparaissent occupées en même temps par des activités industrielles, des bureaux, des espaces commerciaux ou d’habitation tandis que le cœur de ville a perdu ses habitants et ses fonctions.

   L’apparition de ces banlieues, qui occupent 90% du territoire urbanisé de Montauban, pose deux problèmes : d’une part, la trop faible densité des habitants ne leur permet plus de bénéficier des services urbains de proximité ; d’autre part, l’étalement urbain génère des coûts économiques très importants, en investissement mais aussi en fonctionnement. Une maison en banlieue coûte jusqu’à 10 fois plus en voirie et réseaux divers que ce qui est nécessaire pour la même habitation dans le centre-ville.

     Et Mariano Marcos de conclure : « J’aimerais tant pouvoir enfin vous annoncer le dépérissement des banlieues et le retour progressif des Montalbanais au centre de leur cité. Mais je ne le peux pas : ce mouvement, si précieux pour l’avenir, ne semble pas encore amorcé. »

     Le président Jean-Luc Nespoulous remercie Mariano Marcos pour son superbe exposé, fort documenté, très clair et non dénué de quelques pointes d’humour. Il regrette également la tonalité quelque peu pessimiste de la conclusion même si le constat dressé par l’orateur est de toute évidence objectif et s’applique d’ailleurs à bon nombre de villes, autres que Montauban. Reprenant le titre d’un ouvrage de Jean-Pierre Le Goff – La fin du village – (Paris, Gallimard, 2012),  Jean-Luc Nespoulous interroge : « Peut-on parler de la fin de la ville, telle qu’elle a prévalu pendant des siècles » ?

     Mariano Marcos répond ainsi : « Ce qui tue la ville, ce sont les hommes qui l’abandonnent, tout autant que les commerces qui la fuient pour s’implanter en périphérie, reproduisant parfois la rue dans les galeries marchandes de certains hypermarchés…. »