Luiggi Pirandello 2     Dario Fo   

                                  Luiggi Pirandello                                                                                          Dario FO

 Le rire dans la littérature italienne,

approche de l’autodérision chez quelques grands auteurs, de Boccace à Dario Fo

par Pierre Marillaud, séance du 2 octobre 2017

 

           À l’occasion de sa rentrée, l’Académie recevait Monsieur Pierre Marillaud, docteur ès-sciences du langage, inspecteur d’Académie honoraire et chercheur associé au laboratoire Médiations sémiotiques de l’Université Jean-Jaurès de Toulouse. Après une allocution de bienvenue du président Philippe Bécade, le nouvel élu au 21ème fauteuil, faisait l’éloge de son prédécesseur, Jacques Gabach, retraçant sa vie et sa carrière de commerçant à Montauban, juge au Tribunal de Commerce et magistrat consulaire.

            Il revenait à Monsieur Pierre Marillaud de prononcer une conférence sur le thème « Une approche du rire dans la littérature italienne ». L’humour italien doit sans doute beaucoup à l’italum acetum dont parle Horace (Satires 1-7-32). S’il est un genre où les Latins ne sont pas inférieurs aux Grecs, c’est bien celui de la satire. Sept exemples de l’autodérision chez quelques grands auteurs italiens devaient illustrer son propos.

            « Le rire est le propre de l’homme » : chacun connaît l’adage de Rabelais placé en épilogue de son Gargantua. D’Aristote à Bergson en passant par Quintilien et Dominique Fernandez, le rire est un phénomène universel qu’écrivains et philosophes ont su exploiter dans leurs œuvres.

 

 

 

         

          Après Boccace et son Décaméron, première œuvre majeure de la littérature italienne (« ouvrage d’humour, souvent très érotique »), le conférencier enchaînait avec Dante et Giovacchino Forzano, l’auteur du livret de l’opéra de Puccini, Gianni Schicchi, dont Pierre Marillaud soulignait « la malice et l’incrédulité des Italiens sur la sublime musique de Puccini qui avait dit vouloir s’amuser ».

            Pirandello était ensuite évoqué au travers de ses Nouvelles complètes, le conférencier rappelant que « comme chez tout Italien, et plus que chez les écrivains non italiens, les pleurs et le rire naissent de la même convulsion ». Pierre Marillaud poursuivait sa conférence en évoquant Italo Calvino et ses œuvres, Sous le soleil Jaguar, La route de San Giovanni et Palomar, lui qui « par l’humour traitait le destin tragique de l’homme ».

            Il continuait par Dario Fo, prix Nobel de Littérature en 1997, auteur de deux pièces, La mort accidentelle d’un anarchiste et Faut pas juger !, concluant : « L’énorme rire de Dario Fo est un rire détergent et engagé, mais aussi un rire tendre, celui qui part du cœur ». Avec Gianni Celati et ses Quatre nouvelles sur les apparences, le lecteur découvre un auteur qui « ironise sur son métier d’universitaire avec beaucoup de subtilité ». Enfin est évoquée l’œuvre d’Umberto Eco, Pastiches et postiches, écrivain qui « n’hésite pas à nous faire rire en se moquant du discours des sémioticiens greimasiens…, un homme qui était capable de prendre la distance nécessaire avec la science qu’il enseignait ».

            En conclusion, Pierre Marillaud soulignait : « Malgré l’évidente influence de la pensée judéo-chrétienne, il reste chez les humoristes italiens quelque chose des Romains de l’époque classique, mais aussi des Grecs. Ces humoristes italiens ont lu les comiques grecs, mais aussi des penseurs comme Héraclite, Thalès, Zénon, Empédocle, Démocrite qui, certes ne sont pas des humoristes, mais qui les ont fortement influencés, tout particulièrement s’agissant de l’autodérision. L’influence de Lucrèce, ce latin qui connaît si bien la pensée grecque, est incontestable, en particulier quand on se réfère à Boccace et à Pirandello. Paul Veyne, professeur au Collège de France, dans un ouvrage qui fait  autorité, L’Empire gréco-romain, cite le poète comique grec Philémon ; et c’est sur ce propos que nous tenons à conclure car l’esprit en imprègne tous les textes que nous venons de citer ».

            Le président, Philipe Bécade, concluait ainsi cette riche conférence : « Merci pour votre finesse d’esprit, ainsi que de nous avoir plongé dans cette atmosphère à la fois tragique et joyeuse, marque de l’Italie. Vous nous avez montré que l’origine de ce rire provenait de l’Antiquité gréco-romaine. "Le sérieux du ridicule et le ridicule du sérieux" : ah ! la belle formule. Et puis vous avez convaincu l’assistance que l’Académie a eu raison de vous élire membre titulaire. Merci encore ».