LA SEANCE SOLENNELLE 2016 : Roman et Histoire
André Malraux André Chamson Jorge Semprun
"Le roman au défi de l'Histoire"
par M. Jean-Pierre AMALRIC, membre titulaire
(séance solennelle du 11 décembre 2016)
La séance solennelle de l’Académie s’est tenue le dimanche 11 décembre au Théâtre Olympe-de-Gouges sous la présidence de M. Philippe Bécade. Mme Brigitte Barèges, maire de Montauban, excusait M. Alain Crivella, adjoint chargé de la Culture, en raison d’un accident domestique. M. le préfet de Tarn-et-Garonne, Pierre Besnard, qui devait entretenir son auditoire sur le thème de la laïcité, était absent en raison d’un deuil familial. M. Philippe Bécade ouvrait la séance en demandant une minute de silence en la mémoire du doyen de l’Académie, M. Nadal Rey, récemment décédé dans sa 105e année. Le président soulignait l’activité intense de cette "vieille dame" de 272 ans qu’est l’Académie de Montauban et concluait son discours en soulignant que « les Académiciens sont des passeurs de culture ». Auparavant il ne manquait pas de rappeler la volonté de développer les échanges inter-académiques et dans ce cadre le voyage très enrichissant effectué les 11 et 12 mai 2016 à La Rochelle. Philippe Bécade notait la proximité historique entre les deux villes au plan des événements et des hommes, toutes deux places de sureté protestantes et assiégées par les troupes de Louis XIII. Cette rencontre a permis à l’Académie de renouer les liens avec Monseigneur Bernard Housset, ancien évêque de Montauban et académicien. À son tour, M. Jean Luiggi, secrétaire de l’Académie, rappelait les activités de la noble institution (conférences prononcées tout au long de l’année, admission comme membres titulaires de Mme Madeleine Carenco et de M. Pierre Marillaud, conférences mensuelles programmées pour 2017). La parole était ensuite donnée à Mme Brigitte Barèges qui dissertait sur le sujet « Le général De Gaulle et la culture ». Elle mettait particulièrement l’accent sur l’action d’André Malraux, premier ministre de la Culture que la France ait connu, et à qui notre pays doit un Inventaire patrimonial pour chacune de nos villes.
Il revenait à M. Jean-Pierre Amalric, professeur émérite des Universités, de prononcer une conférence sur « Le roman au défi de l’histoire ». Il a situé d’emblée le sujet qu’il a souhaité explorer, et qui ne porte pas sur le roman historique. Le choc de la réalité historique a engagé chez certains une démarche pour faire du temps vécu la matière même de l’écriture romanesque : non plus roman d’évasion, mais roman d’immersion dans un temps tout proche. Le conférencier a retenu pour cela trois œuvres traduisant les grands ébranlements subis au XXe siècle, de part et d’autre de la Seconde Guerre mondiale.
Avec L’Espoir, André Malraux a entrepris d’écrire à chaud un récit épique des premiers mois de la guerre d’Espagne, à laquelle il venait de prendre part en organisant l’escadrille España pour soutenir le combat des républicains contre le soulèvement militaire dirigé par Franco. L’écriture du roman utilise sa propre expérience des combats aériens et l’évocation d’épisodes recueillie auprès de témoins. Dépassant le roman de guerre, il orchestre un saisissant dialogue sur le sens de la guerre qui garde pour nous de fortes résonances.
En écrivant Le Puits des miracles, André Chamson se trouve dans une toute autre situation. Résidant à Montauban où il assure la garde des tableaux du musée du Louvre, il y éprouve l’angoisse et le malheur régnant sous l’autorité du régime de Vichy. Le roman – qui ne sera publié qu’après la Libération – lui permet de dénoncer les complicités qu’il trouve dans la ville. Les sinistres personnages qu’il met en scène avec une verve féroce donnent chair à ce roman écrit avec une rage contenue.
Dernière œuvre retenue : Quel beau dimanche, récit autobiographique publié en 1980 par Jorge Semprun, dans lequel il remonte le cours d’une vie où il a connu – à Buchenwald – le système concentrationnaire nazi, l’engagement clandestin au service du Parti communiste espagnol, puis la désillusion qui l’a vu rompre avec le stalinisme et les attentes révolutionnaires. Refusant un récit sagement chronologique, il choisit une écriture romanesque pour entraîner le lecteur dans les va-et-vient d’une existence à la recherche de sa cohérence. Trois œuvres qui montrent comment l’auteur, submergé par le poids d’une Histoire qui le dépasse, peut trouver dans le roman un espace qui lui permet de s’en libérer et d’en traduire l’expérience en connivence avec son lecteur.
Les diverses interventions et la conférence ont été ponctuées de trois intermèdes musicaux, assurés par les élèves de la classe de chant du Conservatoire de Musique de Montauban, dirigé par M. Jean-Marc Andrieu, membre titulaire. Accompagnés au piano par Anne-Lise Labusquière, deux chanteurs de talent ont interprété des mélodies de François Poulenc et de Déodat de Sévérac, ainsi que des chansons du répertoire " léger " du début du XXe siècle.